
Dans les pas
de l'Empereur
© Adobe Stock/Uwalthie Pic Project

© Adobe Stock/Uwalthie Pic Project
Dans les pas de l'Empereur
Napoléon Bonaparte est l’îlien par excellence. Il est né sur une île : la Corse. Il est mort sur une autre : Sainte-Hélène. Et, entre les deux, il a régné sur une troisième : Elbe.
Mais comment les Anglais ont-ils osé ? Quoi donc ? Exiler Napoléon Ier sur Elbe, une île à peine plus grande qu’Oléron ? Non, comment ont-il osé imaginer que le Corse, bouillant et obstiné comme un berger de Corte, allait rester tranquillement sur son caillou toscan, avec six cents de ses fidèles, à jouer à « l’Empereur d’Elbe », un titre officiel, mais ridicule au regard du véritable empire sur lequel l’Aigle avait régné jusque-là ? Il ne lui aura pas fallu longtemps pour se lasser de cette comédie. Dix mois seulement à ronger son frein, à vider les caisses de sa principauté d’opérette pour lui construire des routes, lancer les travaux de son premier hôpital et financer une armée dérisoire de mille six cents cavaliers polonais et chasseurs corses, et, le 14 février 1815, le Petit Capital prenait la poudre d’escampette, embarquant en catimini sur L’Inconstant pour aller reprendre son trône aux Bourbon.
Un maigre héritage
Qu’est-il resté à Elbe de cet épisode rocambolesque ? Quatre choses essentiellement... Primo, une renommée — en France tout au moins — que la plus grande des sept sœurs de l’Archipel toscan n’aurait jamais acquise autrement. Secundo, un drapeau que l’on aperçoit parfois flotter fièrement en haut d’une hampe bien qu’il n’ait plus cours depuis deux siècles. Blanc et barré en diagonale d’une grande bande rouge ornée de trois abeilles, il témoigne symboliquement d’un prestige et d’une indépendance pour le moins éphémères. Tertio, un folklore mémoriel dont les Elbani usent régulièrement pour divertir leurs visiteurs, organisant chaque année, à partir du 4 mai, date anniversaire du débarquement impérial, de nombreuses reconstitutions historiques. Quarto, deux demeures impériales transformées en musées : la Palazzina dei Mulini, au cœur de la vieille ville de Portoferraio, et, à quelques kilomètres de là, nichée dans la campagne elboise, la Villa Napoleonica qui s'appelait encore Villa San Martino quand Napoléon en fit l'acquisition.
La première doit son nom aux quatre vieux moulins qui ont longtemps veillé sur cette propriété construite au début du XVIIIe siècle par Gaston de Médicis, duc de Toscane. Napoléon les fit détruire sans état d’âme pour doter sa résidence officielle d’un grand jardin à l’italienne. Même si, sur la terrasse dominant la mer, un fier emblème napoléonien sculpté dans la pierre — associant comme il se doit l'aigle, la Légion d'honneur et les manteau et couronne impériaux — lui donne un peu d'éclat, cet écrin de verdure ne suffit pas à relever le prestige d'un bâtiment qui, avouons-le, a davantage l'allure d'un relais de poste provincial que d'un palais. Hissé au rang de musée national, il nous fait entrer dans l'intimité du héros d'Arcole, lequel se raconte un peu à travers des gravures, quelques copies de tableaux ou bien encore les ouvrages éclectiques de sa bibliothèque privée, des livres ramenés, pour partie, du château de Fontainebleau. La visite des chambres et salons nous éclaire également sur le quotidien elbois de l'Empereur et de sa sœur préférée, Pauline, qui l'accompagna alors dans son exil. Il est toutefois à noter que les décors, fussent-ils fidèles à l'époque, ne sont pas d'origine, le mobilier du palais ayant été dispersé quasi intégralement après le départ de l'Ajaccien. Ce sont là d'habiles reconstitutions faites à partir d'acquisitions ultérieures et de quelques meubles venus de la Villa San Martino, l'autre temple insulaire de la Napomania.
Une princesse mise à nu
Si les murs avaient la parole, ceux de cette charmante villa élevée au rang de résidence d’été de l’Empereur nous raconteraient volontiers ses retrouvailles volcaniques avec Marie Walewska, sa maîtresse qui, contrairement à l’Impératrice Marie-Louise, n’hésita pas à faire discrètement la traversée jusqu’à la petite île italienne pour retrouver, pour quelques nuits seulement, l'étreinte de son auguste amant. Mais les murs, par nature, ne sont pas très causants et, à défaut d'entendre leurs confidences, les fans napoléoniens nourrissent plus sûrement leur culte avec la visite de la Galerie Anatole Demidoff. Elle porte le nom d'un aristocrate russe qui fut un temps l'époux de Mathilde, la fille de Jérôme Bonaparte. Quelques années après la funèbre défaite de Waterloo, le Slave acheta la propriété et la dota dans la foulée d'une grande annexe de style néoclassique afin d'y abriter une belle collection privée consacrée à son glorieux « tonton ». Une vocation toujours d'actualité puisque la Galerie abrite de nombreuses gravures, lithographies et eaux-fortes célébrant le vainqueur d'Austerlitz et ses proches, ainsi qu'une sculpture mémorable : la Galatée, née du talent de Canova. Il se dit en effet que, pour ce nu magistral, l'artiste italien aurait profité du concours d’un modèle prestigieux : Pauline en personne.

© Pixabay/Nono08450
Encore ému par les courbes supputées de l’ancienne duchesse de Guastalla, on s’en retourne à Portoferraio pour honorer une dernière fois la mémoire de son frère à l’occasion d’une soirée « mousses » dans l’un des bars qui ceinturent le port. Créée en 2007 par Marcello Anastasi, un biérologue du cru, la Napoleon Food & Beverage SRL, alias Birra Napoleon, l’une des deux brasseries insulaires, propose en effet plusieurs bières collectors, aux noms évocateurs : la blonde Paolina, l’IPA Waterloo, la bière au miel Tre Api (Trois Abeilles) et L’Empereur, une bière ambrée aux notes maltées et caramélisées. Nombre de leurs consommateurs les achètent par deux : une bouteille se boit, l’autre se garde. Une pratique fétichiste qui fait les affaires du brasseur qui écoule aujourd'hui plusieurs dizaines de milliers de cols par an. Ce n'est pas encore un empire, mais c'est un bon début !
Napoléon Bonaparte est l’îlien par excellence. Il est né sur une île : la Corse. Il est mort sur une autre :Saint-Hélène. Et, entre les deux, il a régné sur une troisième : Elbe.
Mais comment les Anglais ont-ils osé ? Quoi donc ? Exiler Napoléon Ier sur Elbe, une île à peine plus grande qu’Oléron ? Non, comment ont-il osé imaginer que le Corse, bouillant et obstiné comme un berger de Corte, allait rester tranquillement sur son caillou toscan, avec six cents de ses fidèles, à jouer à « l’Empereur d’Elbe », un titre officiel, mais ridicule au regard du véritable empire sur lequel l’Aigle avait régné jusque-là ? Il ne lui aura pas fallu longtemps pour se lasser de cette comédie. Dix mois seulement à ronger son frein, à vider les caisses de sa principauté d’opérette pour lui construire des routes, lancer les travaux de son premier hôpital et financer une armée dérisoire de mille six cents cavaliers polonais et chasseurs corses, et, le 14 février 1815, le Petit Capital prenait la poudre d’escampette, embarquant en catimini sur L’Inconstant pour aller reprendre son trône aux Bourbon.
Un maigre héritage
Qu’est-il resté à Elbe de cet épisode rocambolesque ? Quatre choses essentiellement... Primo, une renommée — en France tout au moins — que la plus grande des sept sœurs de l’Archipel toscan n’aurait jamais acquise autrement. Secundo, un drapeau que l’on aperçoit parfois flotter fièrement en haut d’une hampe bien qu’il n’ait plus cours depuis deux siècles. Blanc et barré en diagonale d’une grande bande rouge ornée de trois abeilles, il témoigne symboliquement d’un prestige et d’une indépendance pour le moins éphémères. Tertio, un folklore mémoriel dont les Elbani usent régulièrement pour divertir leurs visiteurs, organisant chaque année, à partir du 4 mai, date anniversaire du débarquement impérial, de nombreuses reconstitutions historiques. Quarto, deux demeures impériales transformées en musées : la Palazzina dei Mulini, au cœur de la vieille ville de Portoferraio, et, à quelques kilomètres de là, nichée dans la campagne elboise, la Villa Napoleonica qui s'appelait encore Villa San Martino quand Napoléon en fit l'acquisition.
La première doit son nom aux quatre vieux moulins qui ont longtemps veillé sur cette propriété construite au début du XVIIIe siècle par Gaston de Médicis, duc de Toscane. Napoléon les fit détruire sans état d’âme pour doter sa résidence officielle d’un grand jardin à l’italienne. Même si, sur la terrasse dominant la mer, un fier emblème napoléonien sculpté dans la pierre — associant comme il se doit l'aigle, la Légion d'honneur et les manteau et couronne impériaux — lui donne un peu d'éclat, cet écrin de verdure ne suffit pas à relever le prestige d'un bâtiment qui, avouons-le, a davantage l'allure d'un relais de poste provincial que d'un palais. Hissé au rang de musée national, il nous fait entrer dans l'intimité du héros d'Arcole, lequel se raconte un peu à travers des gravures, quelques copies de tableaux ou bien encore les ouvrages éclectiques de sa bibliothèque privée, des livres ramenés, pour partie, du château de Fontainebleau. La visite des chambres et salons nous éclaire également sur le quotidien elbois de l'Empereur et de sa sœur préférée, Pauline, qui l'accompagna alors dans son exil. Il est toutefois à noter que les décors, fussent-ils fidèles à l'époque, ne sont pas d'origine, le mobilier du palais ayant été dispersé quasi intégralement après le départ de l'Ajaccien. Ce sont là d'habiles reconstitutions faites à partir d'acquisitions ultérieures et de quelques meubles venues de la Villa San Martino, l'autre temple insulaire de la Napomania.
Une princesse mise à nu
Si les murs avaient la parole, ceux de cette charmante villa élevée au rang de résidence d’été de l’Empereur nous raconteraient volontiers ses retrouvailles volcaniques avec Marie Walewska, sa maîtresse qui, contrairement à l’Impératrice Marie-Louise, n’hésita pas à faire discrètement la traversée jusqu’à la petite île italienne pour retrouver, pour quelques nuits seulement, l'étreinte de son auguste amant. Mais les murs, par nature, ne sont pas très causants et, à défaut d'entendre leurs confidences, les fans napoléoniens nourrissent plus sûrement leur culte avec la visite de la Galerie Anatole Demidoff. Elle porte le nom d'un aristocrate russe qui fut un temps l'époux de Mathilde, la fille de Jérôme Bonaparte. Quelques années après la funèbre défaite de Waterloo, le Slave acheta la propriété et la dota dans la foulée d'une grande annexe de style néoclassique afin d'y abriter une belle collection privée consacrée à son glorieux « tonton ». Une vocation toujours d'actualité puisque la Galerie abrite de nombreuses gravures, lithographies et eaux-fortes célébrant le vainqueur d'Austerlitz et ses proches, ainsi qu'une sculpture mémorable : la Galatée, née du talent de Canova. Il se dit en effet que, pour ce nu magistral, l'artiste italien aurait profité du concours d’un modèle prestigieux : Pauline en personne.

© Pixabay/Nono08450
Encore ému par les courbes supputées de l’ancienne duchesse de Guastalla, on s’en retourne à Portoferraio pour honorer une dernière fois la mémoire de son frère à l’occasion d’une soirée « mousses » dans l’un des bars qui ceinturent le port. Créée en 2007 par Marcello Anastasi, un biérologue du cru, la Napoleon Food & Beverage SRL, alias Birra Napoleon, l’une des deux brasseries insulaires, propose en effet plusieurs bières collectors, aux noms évocateurs : la blonde Paolina, l’IPA Waterloo, la bière au miel Tre Api (Trois Abeilles) et L’Empereur, une bière ambrée aux notes maltées et caramélisées. Nombre de leurs consommateurs les achètent par deux : une bouteille se boit, l’autre se garde. Une pratique fétichiste qui fait les affaires du brasseur qui écoule aujourd'hui plusieurs dizaines de milliers de cols par an. Ce n'est pas encore un empire, mais c'est un bon début !
POURSUIVEZ VOTRE
DÉCOUVERTE DE L'ÎLE D'ELBE...

Portoferraio, une ville
à
l’esprit “village”
Portoferraio est une capitale. Elle fut même celle d'un empereur. Pour autant, avec ses ruelles pavées, ses escaliers étroits, ses jardins fleuris et ses façades fanées, cette ville a l'âme d'une villageoise. Une villageoise qui se fait pimpante et frivole quand viennent les beaux jours !

Les joyaux de Vénus
Selon un mythe du cru, c'est à la déesse de l'amour et de la beauté que l'on doit les sept îles de l'Archipel toscan. Comment s'étonner après ça qu'Elbe et ses sœurs soient si jolies ? Portrait de famille...

Le vin du large
Si la mer nourrit les Elbois, c'est bien la terre qui les abreuve. Depuis trois mille ans, l'île fait son vin. Et elle le fait bien ! Le plus beau de ses nectars : l’aleatico passito. Un vin doux exceptionnel, fait de raisins et de soleil.

Elbe, où,
quand et comment ?
C'est décidé ? Vous partez pour l'île d'Elbe ? Quelle bonne idée ! Nul besoin d'une boule de cristal pour deviner ce qui vous attend là-bas : le plus doux des séjours. Du moins, si vous ne partez pas à l'aventure ! Alors, comme tout bon capitaine, avant de lever l'ancre, tracez votre route, étudiez la météo et préparez au mieux votre voyage.