trésor La Buse

La chasse
au trésor

Avez-vous déjà entendu parler d’Olivier Levasseur ? Jamais ? Peut-être le connaissez-vous sous une autre identité : celle de « La Buse » ? Un surnom emprunté à un rapace, voilà qui sied bien à ce Calaisien d’origine qui a consacré toute sa vie — aussi courte que la corde à laquelle on a pendu le bonhomme — à la piraterie. Une sombre carrière entamée dans les Caraïbes en 1713 quand, à dix-huit ans à peine, engagé sur le Portillon, un navire corsaire français, il se mutine et en prend les commandes sous une bannière qui laisse peu de doute sur ses intentions : noire, avec quatre têtes de mort, deux tibias entrecroisés et des larmes blanches.

Ce drapeau flotte sur l’Atlantique pendant quelques années. Hélas pour le Français, il arrive dans le métier au pire des moments, toutes les grandes puissances navales intensifiant alors leurs efforts pour éradiquer la flibusterie caribéenne. Comme nombre de ses pairs, il décide donc d’aller voir ailleurs si la mer est plus bleue. C’est ainsi qu’en 1719 il entre pour la première fois dans l’océan Indien. Il s’y distingue deux ans plus tard en mettant la main sur le plus incroyable butin de toute l’histoire de la piraterie : celui du Nossa Senhora do Cabo (La Vierge du Cap), le navire amiral de la flotte portugaise.

Celui-ci s’en revient d’Inde avec, à son bord, le comte d’Ericeira, vice-roi des Indes orientales portugaises, et une fortune en or, en perles, en argent et en pierres précieuses. Merveille des merveilles : la crosse d’or de Goa, un objet de culte de plus de deux mètres de hauteur, fait d’une centaine de kilos d’or et constellé de rubis. Victime de nombreuses avaries après une furieuse tempête, le galion fait relâche dans la baie de Saint-Denis, sur l’île Bourbon, l’actuelle Réunion. Or, par un heureux hasard, La Buse et John Taylor, son nouveau complice, y jettent l’ancre à leur tour, quelque temps plus tard. Que pensez-vous qu’il advienne ? Profitant de ce que, pendant les réparations, une grande partie de l’équipage portugais reste à terre, Levasseur et ses hommes se lancent à l’abordage de La Vierge du Cap et, une fois qu’ils en ont pris le contrôle, la remorque vers des eaux plus tranquilles pour se partager sa cargaison mirifique.

La suite ? Après quelques mois de mer, La Buse, sans doute rassasié de richesses, rejoint Madagascar où il a ses habitudes et prend alors ses distances d'avec ses amis pirates. Malheureusement pour lui, sa tête est mise à prix et, en 1729, alors qu’il se pense oublié, un capitaine français le reconnaît, lui met la main dessus et le ramène enchaîné sur l’île Bourbon. Il y est jugé en juillet 1730 et exécuté, non sans avoir suspendu un bref instant le bras du bourreau pour une ultime bravade qui va définitivement asseoir sa légende : il jette à la foule un parchemin sur lequel il a rédigé un message codé permettant de retrouver la planque du trésor de La Vierge du Cap.

Selon la tradition, juste avant qu’on ne lui passe la corde au cou, il aurait ajouté ces derniers mots : « mon trésor à qui saura le prendre ». Depuis, beaucoup s’y sont employés, appâtés par sa valeur : elle est actuellement estimée à quatre ou cinq milliards d'euros. Mais aucun n’a réussi, butant invariablement sur le cryptogramme alambiqué de Levasseur. Sauf qu’en 2024 sept randonneurs mauriciens, en balade sur la plage d’Albion, remarquent de curieuses inscriptions sur les rochers. Elles ne sont pas sans similitudes avec celles du parchemin du pirate. Une découverte jugée suffisamment sérieuse pour que les autorités mauriciennes installent un périmètre de sécurité sur la zone et y dépêchent une équipe d’archéologues professionnels. Dans le même temps, les spéculations sur la localisation du butin de La Buse s’en trouvent relancées : on l’a imaginé enterré à Madagascar ou à La Réunion ; le grand-père de Jean-Marie Le Clézio, l’un de nos prix Nobel de littérature, l’a cherché pendant vingt ans à Rodrigues, et voilà qu’il pourrait se cacher à Maurice. Ce qui n’est pas sans nous donner une riche idée pour vos prochaines vacances en famille : une chasse au trésor sous les tropiques !