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La santé à
pleine bouche
© Adobe Stock/Veniamakis Stefanos

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La santé à
pleine bouche
La cuisine crétoise est la meilleure du monde… d’un point de vue nutritionnel ! Au menu des îliens, peu de mauvaises graisses, beaucoup de fibres et de nutriments, juste ce qu’il faut de protéines et, surtout, du naturel, rien que du naturel !
En 1958, Ancel Keys, physiologiste et épidémiologiste américain, pionnier de la recherche en nutrition, ouvre le dossier Seven Countries, une étude ambitieuse sur l’impact de l’alimentation et des modes de vie sur la santé humaine. L’idée : comparer les habitudes alimentaires et le profil cardiovasculaire de 12 000 hommes de 40 à 59 ans, dans sept pays différents : les États-Unis, la Finlande, les Pays-Bas, la Yougoslavie, l’Italie, le Japon et la Grèce. Pour ce qui concerne cette dernière, l’Américain et son équipe choisissent de se poser sur deux îles : Corfou et la Crète. Et là, très rapidement, ils observent un phénomène frappant : malgré une alimentation très riche en graisses, liée essentiellement à une consommation conséquente d’huile d’olive, les Crétois ont le taux de mortalité cardiovasculaire le plus bas de tous les groupes étudiés. Entre 1958 et 1964, par exemple, la mortalité coronarienne sur la plus grande des îles grecques est près de vingt fois inférieure à celle enregistrée aux États-Unis ou en Finlande. Les recherches se poursuivent et, au début des années soixante-dix, elles livrent leur verdict définitif : le modèle alimentaire traditionnel des insulaires est remarquable, au point qu’ils vivent plus longtemps en bonne santé que les habitants des pays industrialisés. On ne parle plus, dès lors, que du « régime crétois » ; certains vont même jusqu’à le qualifier de « miracle » !
Un miracle, vraiment ? N’exagérons rien ! Certes, la foi n'est pas totalement étrangère à la robustesse des Crétois. En imposant à ses fidèles cent quatre-vingts jours de jeûne par an (pas de viande, pas de produits laitiers certains jours, parfois même pas de poisson), l'Église orthodoxe a davantage œuvré à la promotion du végétarisme que les fameux spots de Santé publique France sur les cinq fruits et légumes quotidiens. Pour autant, la Crète n’est pas Lourdes et, si l’on s’y porte mieux qu’ailleurs, les cieux n’y sont pas pour grand-chose ; tout part en réalité de la terre, de ce qu’elle donne aux îliens et, tout autant, de ce qu’elle ne peut pas leur donner.
Prenons l’élevage, par exemple. La Crète est une île montagneuse et aride, avec peu de grandes plaines fertiles. Un profil qui ne convient pas vraiment aux vaches qui réclament des pâturages abondants et une grande quantité d’eau. Même cause, mêmes effets sur les porcs qui se nourrissent de céréales et, souffrant de la chaleur, ont besoin de beaucoup d’eau. Résultat : les îliens n’ont pas vraiment l’habitude du saindoux, de la charcuterie, du beurre et de la viande rouge dont la consommation régulière favorise le mauvais cholestérol. Ils ont appris à se contenter de ce qui était à leur portée, à commencer par les brebis et les chèvres, ces animaux tout-terrain qui se satisfont pleinement de sols pentus et maigres et supportent vaillamment les grosses chaleurs estivales. La tradition n’est pas tant de les manger que de profiter de leur lait pour fabriquer des fromages (la graviera, la feta et la mizithra) et des yaourts, sources de protéines.

© Pixabay/Albrecht Fietz
L'arbre de vie
Et pour les lipides ? Les Crétois font comme pour tout le reste : avec les moyens du bord. À défaut de disposer de beurre et de crème, ils se sont tournés tout naturellement vers un fruit oléagineux particulièrement abondant dans leurs campagnes : l’olive. Or, il n’y a pas mieux pour la santé que son huile ; elle est riche en antioxydants et en graisses bénéfiques, savoureuse quand elle est crue et résistante à la cuisson. Jusque dans les années soixante, chaque famille pressait la sienne. Ce temps-là est révolu, mais l’île reste la place forte de l’oléiculture grecque : avec plus de trente millions d’oliviers, soit environ soixante arbres par habitant (un des taux les plus élevés au monde), elle pèse la moitié de la production d’huile de la Grèce.

© Pixabay/Albrecht Fietz
La production annuelle de la Crète tourne autour de 80 000 à 100 000 tonnes d’huile. Pour l’essentiel, ses moulins broient de la koroneiki. Parce qu’elle aime les sols calcaires et les fortes chaleurs, cette variété d’olive a trouvé en Crète son terroir idéal, exprimant ainsi pleinement son potentiel aromatique et nutritionnel, donnant une huile à la saveur intense, gorgée de polyphénols. Ce n’est pas pour rien que l’huile d’olive de Crète est réputée pour être l’une des meilleures au monde ! Malheureusement, cet or vert a tendance à se raréfier. Ces dernières années, le climat se montrant erratique, les rendements des oliviers ont fondu comme neige au soleil : jusqu’à - 40 % dans certaines parties de l’île. À terme, les artères des Crétois pourraient en pâtir. Et pour ce qui est de la santé de l’économie locale, là, le mal est déjà fait !
Nourris aux herbes
L’autre grand « alicament » des Crétois, c’est l’herbe. Pas celle qui se fume, mais celle qui se mange : la horta vrasta, la « verdure bouillie ». Elle s’invite à chaque repas ou presque, à la façon d’un mesclun : on mélange toutes les herbes qui nous tombent sous la main. Et dieu sait qu’on n’en manque pas, les campagnes insulaires regorgeant de variétés comestibles : le pissenlit des montagnes, l’amarante, la mauve commune, le chardon, la roquette sauvage, le plantain, la bourrache, la chicorée sauvage, la morelle noire, l’oseille, le pourpier, le coquelicot, la bourse-à-pasteur… La liste est longue d’une centaine d’espèces. Avant, on les cueillait, se transmettant d’une génération à l’autre les petits secrets de cet herbier gourmand. Aujourd’hui, on les achète volontiers sur les marchés. Mais la façon de les cuisiner n'a pas changé : on fait bouillir son mélange du jour et on l’arrose d’huile d’olive et de citron juste avant de le servir en entrée ou en accompagnement d’un poisson ou d’une viande. Ce n’est pas seulement de la verdure à bon marché ; c’est surtout un formidable « cocktail santé » riche en fibres, en vitamines (A, C, K), en minéraux (fer, calcium, magnésium) et en polyphénols. À côté d’une assiette de horta vrasta, un tube de Juvamine fait pâle figure !

Bien sûr, la Crète a évolué depuis qu'Ancel Keys est venu étudier le contenu de ses assiettes. En brisant son isolement tout au long de la deuxième partie du XXe siècle pour accueillir toujours plus de touristes, elle a notamment découvert la malbouffe. Mais, comme Papy, elle fait de la résistance ! En effet, les Crétois restent majoritairement attachés à leurs traditions culinaires, conscients qu’elles les régalent tout autant qu’elles les préservent. Un signe qui ne trompe pas : alors qu’elle compte plus de 600 000 habitants et accueille dix fois plus de touristes chaque année, la Crète n’a jamais abrité plus de trois McDonald’s. Celui de Malia a fermé, faute de rentabilité. Celui de Hersonissos tombe le rideau chaque année, en octobre, pour ne rouvrir qu’aux beaux jours. Seul celui d’Héraklion, relativement modeste, est ouvert à l’année. À croire que le Big Mac n'a pas vraiment la cote de ce côté-ci de la mer Égée. Et si c’était ça le vrai miracle crétois ?
La cuisine crétoise est la meilleure du monde… d’un point de vue nutritionnel ! Au menu des îliens, peu de mauvaises graisses, beaucoup de fibres et de nutriments, juste ce qu’il faut de protéines et, surtout, du naturel, rien que du naturel !
En 1958, Ancel Keys, physiologiste et épidémiologiste américain, pionnier de la recherche en nutrition, ouvre le dossier Seven Countries, une étude ambitieuse sur l’impact de l’alimentation et des modes de vie sur la santé humaine. L’idée : comparer les habitudes alimentaires et le profil cardiovasculaire de 12 000 hommes de 40 à 59 ans, dans sept pays différents : les États-Unis, la Finlande, les Pays-Bas, la Yougoslavie, l’Italie, le Japon et la Grèce. Pour ce qui concerne cette dernière, l’Américain et son équipe choisissent de se poser sur deux îles : Corfou et la Crète. Et là, très rapidement, ils observent un phénomène frappant : malgré une alimentation très riche en graisses, liée essentiellement à une consommation conséquente d’huile d’olive, les Crétois ont le taux de mortalité cardiovasculaire le plus bas de tous les groupes étudiés. Entre 1958 et 1964, par exemple, la mortalité coronarienne sur la plus grande des îles grecques est près de vingt fois inférieure à celle enregistrée aux États-Unis ou en Finlande. Les recherches se poursuivent et, au début des années soixante-dix, elles livrent leur verdict définitif : le modèle alimentaire traditionnel des insulaires est remarquable, au point qu’ils vivent plus longtemps en bonne santé que les habitants des pays industrialisés. On ne parle plus, dès lors, que du « régime crétois » ; certains vont même jusqu’à le qualifier de « miracle » !
La nature fait bien les choses
Un miracle, vraiment ? N’exagérons rien ! Certes, la foi n'est pas totalement étrangère à la robustesse des Crétois. En imposant à ses fidèles cent quatre-vingts jours de jeûne par an (pas de viande, pas de produits laitiers certains jours, parfois même pas de poisson), l'Église orthodoxe a davantage œuvré à la promotion du végétarisme que les fameux spots de Santé publique France sur les cinq fruits et légumes quotidiens. Pour autant, la Crète n’est pas Lourdes et, si l’on s’y porte mieux qu’ailleurs, les cieux n’y sont pas pour grand-chose ; tout part en réalité de la terre, de ce qu’elle donne aux îliens et, tout autant, de ce qu’elle ne peut pas leur donner.
Prenons l’élevage, par exemple. La Crète est une île montagneuse et aride, avec peu de grandes plaines fertiles. Un profil qui ne convient pas vraiment aux vaches qui réclament des pâturages abondants et une grande quantité d’eau. Même cause, mêmes effets sur les porcs qui se nourrissent de céréales et, souffrant de la chaleur, ont besoin de beaucoup d’eau. Résultat : les îliens n’ont pas vraiment l’habitude du saindoux, de la charcuterie, du beurre et de la viande rouge dont la consommation régulière favorise le mauvais cholestérol. Ils ont appris à se contenter de ce qui était à leur portée, à commencer par les brebis et les chèvres, ces animaux tout-terrain qui se satisfont pleinement de sols pentus et maigres et supportent vaillamment les grosses chaleurs estivales. La tradition n’est pas tant de les manger que de profiter de leur lait pour fabriquer des fromages (la graviera, la feta et la mizithra) et des yaourts, sources de protéines.

© Pixabay/Albrecht Fietz
L'arbre de vie
Et pour les lipides ? Les Crétois font comme pour tout le reste : avec les moyens du bord. À défaut de disposer de beurre et de crème, ils se sont tournés tout naturellement vers un fruit oléagineux particulièrement abondant dans leurs campagnes : l’olive. Or, il n’y a pas mieux pour la santé que son huile ; elle est riche en antioxydants et en graisses bénéfiques, savoureuse quand elle est crue et résistante à la cuisson. Jusque dans les années soixante, chaque famille pressait la sienne. Ce temps-là est révolu, mais l’île reste la place forte de l’oléiculture grecque : avec plus de trente millions d’oliviers, soit environ soixante arbres par habitant (un des taux les plus élevés au monde), elle pèse la moitié de la production d’huile de la Grèce.

© Pixabay/Albrecht Fietz
La production annuelle de la Crète tourne autour de 80 000 à 100 000 tonnes d’huile. Pour l’essentiel, ses moulins broient de la koroneiki. Parce qu’elle aime les sols calcaires et les fortes chaleurs, cette variété d’olive a trouvé en Crète son terroir idéal, exprimant ainsi pleinement son potentiel aromatique et nutritionnel, donnant une huile à la saveur intense, gorgée de polyphénols. Ce n’est pas pour rien que l’huile d’olive de Crète est réputée pour être l’une des meilleures au monde ! Malheureusement, cet or vert a tendance à se raréfier. Ces dernières années, le climat se montrant erratique, les rendements des oliviers ont fondu comme neige au soleil : jusqu’à - 40 % dans certaines parties de l’île. À terme, les artères des Crétois pourraient en pâtir. Et pour ce qui est de la santé de l’économie locale, là, le mal est déjà fait !
Nourris aux herbes
L’autre grand « alicament » des Crétois, c’est l’herbe. Pas celle qui se fume, mais celle qui se mange : la horta vrasta, la « verdure bouillie ». Elle s’invite à chaque repas ou presque, à la façon d’un mesclun : on mélange toutes les herbes qui nous tombent sous la main. Et dieu sait qu’on n’en manque pas, les campagnes insulaires regorgeant de variétés comestibles : le pissenlit des montagnes, l’amarante, la mauve commune, le chardon, la roquette sauvage, le plantain, la bourrache, la chicorée sauvage, la morelle noire, l’oseille, le pourpier, le coquelicot, la bourse-à-pasteur… La liste est longue d’une centaine d’espèces. Avant, on les cueillait, se transmettant d’une génération à l’autre les petits secrets de cet herbier gourmand. Aujourd’hui, on les achète volontiers sur les marchés. Mais la façon de les cuisiner n'a pas changé : on fait bouillir son mélange du jour et on l’arrose d’huile d’olive et de citron juste avant de le servir en entrée ou en accompagnement d’un poisson ou d’une viande. Ce n’est pas seulement de la verdure à bon marché ; c’est surtout un formidable « cocktail santé » riche en fibres, en vitamines (A, C, K), en minéraux (fer, calcium, magnésium) et en polyphénols. À côté d’une assiette de horta vrasta, un tube de Juvamine fait pâle figure !

Bien sûr, la Crète a évolué depuis qu'Ancel Keys est venu étudier le contenu de ses assiettes. En brisant son isolement tout au long de la deuxième partie du XXe siècle pour accueillir toujours plus de touristes, elle a notamment découvert la malbouffe. Mais, comme Papy, elle fait de la résistance ! En effet, les Crétois restent majoritairement attachés à leurs traditions culinaires, conscients qu’elles les régalent tout autant qu’elles les préservent. Un signe qui ne trompe pas : alors qu’elle compte plus de 600 000 habitants et accueille dix fois plus de touristes chaque année, la Crète n’a jamais abrité plus de trois McDonald’s. Celui de Malia a fermé, faute de rentabilité. Celui de Hersonissos tombe le rideau chaque année, en octobre, pour ne rouvrir qu’aux beaux jours. Seul celui d’Héraklion, relativement modeste, est ouvert à l’année. À croire que le Big Mac n'a pas vraiment la cote de ce côté-ci de la mer Égée. Et si c’était ça le vrai miracle crétois ?
POURSUIVEZ VOTRE DÉCOUVERTE DE LA CRÈTE...
POURSUIVEZ VOTRE
DÉCOUVERTE DE LA CRÈTE...

Les quatre fantastiques
Héraklion, La Canée, Réthymnon et Agios Nikolaos : il vous faut absolument inscrire tout ou partie de ce quatuor citadin à votre roadbook. Et là, nul besoin d’être télépathe pour entendre ce que vous pensez de notre conseil : « si c’est pour courir les villes, à quoi bon aller dans une île ? ». Nous ne saurions vous donner tort. À une exception près : la Crète, évidemment !

La tsikoudiá, le
verre de l'amitié
En Crète, où que vous alliez, on vous offre toujours un petit verre de tsikoudiá, la version locale du raki grec. On le boit toujours volontiers, sans se soucier de l’heure, de sa soif et même de ses arômes, juste parce que cette eau-de-vie issue du raisin a un goût exquis, sans égal : celui de l’amitié et du partage.

Un déjeuner
plus que parfait
Vous connaissez sa réputation : la cuisine crétoise est excellente pour la santé. Bonne nouvelle : elle est aussi... excellente ! Pas de fioritures, beaucoup de nature : elle vous régale de recettes ancestrales qui vous transforment un terroir pas bien riche en assiettes généreuses.

Les quatre fantastiques
Héraklion, La Canée, Réthymnon et Agios Nikolaos : il vous faut absolument inscrire tout ou partie de ce quatuor citadin à votre roadbook. Et là, nul besoin d’être télépathe pour entendre ce que vous pensez de notre conseil : « si c’est pour courir les villes, à quoi bon aller dans une île ? ». Nous ne saurions vous donner tort. À une exception près : la Crète, évidemment !

La tsikoudiá, le verre de l'amitié
En Crète, où que vous alliez, on vous offre toujours un petit verre de tsikoudiá, la version locale du raki grec. On le boit toujours volontiers, sans se soucier de l’heure, de sa soif et même de ses arômes, juste parce que cette eau-de-vie issue du raisin a un goût exquis, sans égal : celui de l’amitié et du partage.

Un déjeuner plus que parfait
Vous connaissez sa réputation : la cuisine crétoise est excellente pour la santé. Bonne nouvelle : elle est aussi... excellente ! Pas de fioritures, beaucoup de nature : elle vous régale de recettes ancestrales qui vous transforment un terroir pas bien riche en assiettes généreuses.

Lassithi break
L’âme de la Crète vous est servie sur un plateau : celui du Lassithi. Perchée à plus de 800 mètres d’altitude, entourée de hautes montagnes, cette vaste plaine constellée de moulins est tout à la fois le berceau de Zeus, un haut lieu de l’histoire insulaire, le garde-manger de l’île et l’une de ses contrées les plus authentiques. Excusez du peu !